13 décembre 2008
6
13
/12
/décembre
/2008
10:59
Monsieur S. descendit ce matin-là au gros bourg de Vailly-sur-Sauldre avec l'envie d'en découdre avec la terre entière. Il avait du mal à digérer le confit à la
graisse de canard qu'il avait préparé pour les fêtes. Sa mauvaise humeur se dissipa lorsqu'il fit la rencontre d'un ami chasseur qu'il n'avait pas revu depuis des semaines. Les courses faites, le
journal et le pain sous le bras, ils allèrent au bistrot pour se réchauffer un peu et causer.
"C'est-y donc que tu n'chasses plus, qu'on n'te r'voit plus guère dans les bouch'turrres ? dit Monsieur S. avec un fort accent italien."
Monsieur S. avait grandi dans le Piémont, puis il avait fait carrière à Bruxelles, avant de prendre sa retraite à Chevaize en Berry. Son rouler de R était donc parfaitement naturel.
"Ah dame, je n'cours plus guère les chemins. Mais, tu sais, j'ai encore de beaux restes ! Tiens, mardi dernier, on est allés au sanglier.
- Ah tiens, dit Monsieur S., son appétit soudain éveillé. Et tu en as rrramené ?
- Ben dame ! Pour sûr, même que madame a râlé que le congélateur était déjà plein...
- Et tu cuisines tout ? demanda Monsieur S. en fin connaisseur.
- Presque ! répondit l'autre fièrement. On ne jette rien, c'est comme le cochon. Sauf la tête, bien sûr...
- La tête ? bondit Monsieur S. très intéressé. C'est dommage, ça se cuisine.
- Si tu veux, la prochaine fois, je te la mets de côté."
Monsieur S. n'y pensait plus lorsque quelques jours plus tard il reçut un
appel de son ami chasseur qui n'avait pas oublié sa promesse et viendrait lui rendre visite pour le café.
En rentrant de sa partie de belote au club des aînés, Madame S. trouva les deux hommes attablés dans la cuisine où flottait une drôle d'odeur.
"Mais qu'est-ce que ça sent ici ? Adriano, ne me dis pas que..."
Elle inspecta le contenu d'un gros sac en plastique au pied de leur visiteur, pâlit et sortit précipitamment.
Un peu plus tard, Monsieur S. alla frapper à la porte de Monsieur D., son voisin.
"Dis-moi, Frrranck, j'ai un serrrvice à te demander. Comme je sais que tu brricoles, tu vas pouvoir m'aider. Il me faut une scie, mais une bonne scie, hein ?
- J'ai une scie égoïne dont je viens de remplacer la lame...
- Ce sera parrrfait ! Merrrci Frranck, je te revaudrrrai ça."
La suite nous fut racontée à l'apéro par le fils de Monsieur S.
"Il a bien fallu qu'il fende les crânes, pour en sortir la viande. Si tu avais vu ça, tout ce sang... Il y avait quand même trois têtes ! Maman est partie, elle a dit qu'elle reviendrait quand la cuisine serait nettoyée. C'est que c'est sacrément dur, le crâne, tu sais ? En tout cas, elle nous a bien servi, ta scie. Tiens, je te la ramène, et puis aussi ça, avec les remerciements de mon père. Ce sont les langues, c'est le meilleur morceau."
Il tendit quelque chose qui ressemblait à une poche de sang.
Madame D. pâlit et sortit précipitamment.
"Ca va, Gwen ?" lui demanda son mari avec sollicitude, derrière la porte des toilettes. "Je te l'avais bien dit, que tu avais pris trop de chocolat."
La photo n'est pas de moi, hélas, elle vient de là.
"C'est-y donc que tu n'chasses plus, qu'on n'te r'voit plus guère dans les bouch'turrres ? dit Monsieur S. avec un fort accent italien."
Monsieur S. avait grandi dans le Piémont, puis il avait fait carrière à Bruxelles, avant de prendre sa retraite à Chevaize en Berry. Son rouler de R était donc parfaitement naturel.
"Ah dame, je n'cours plus guère les chemins. Mais, tu sais, j'ai encore de beaux restes ! Tiens, mardi dernier, on est allés au sanglier.
- Ah tiens, dit Monsieur S., son appétit soudain éveillé. Et tu en as rrramené ?
- Ben dame ! Pour sûr, même que madame a râlé que le congélateur était déjà plein...
- Et tu cuisines tout ? demanda Monsieur S. en fin connaisseur.
- Presque ! répondit l'autre fièrement. On ne jette rien, c'est comme le cochon. Sauf la tête, bien sûr...
- La tête ? bondit Monsieur S. très intéressé. C'est dommage, ça se cuisine.
- Si tu veux, la prochaine fois, je te la mets de côté."

En rentrant de sa partie de belote au club des aînés, Madame S. trouva les deux hommes attablés dans la cuisine où flottait une drôle d'odeur.
"Mais qu'est-ce que ça sent ici ? Adriano, ne me dis pas que..."
Elle inspecta le contenu d'un gros sac en plastique au pied de leur visiteur, pâlit et sortit précipitamment.
Un peu plus tard, Monsieur S. alla frapper à la porte de Monsieur D., son voisin.
"Dis-moi, Frrranck, j'ai un serrrvice à te demander. Comme je sais que tu brricoles, tu vas pouvoir m'aider. Il me faut une scie, mais une bonne scie, hein ?
- J'ai une scie égoïne dont je viens de remplacer la lame...
- Ce sera parrrfait ! Merrrci Frranck, je te revaudrrrai ça."
La suite nous fut racontée à l'apéro par le fils de Monsieur S.
"Il a bien fallu qu'il fende les crânes, pour en sortir la viande. Si tu avais vu ça, tout ce sang... Il y avait quand même trois têtes ! Maman est partie, elle a dit qu'elle reviendrait quand la cuisine serait nettoyée. C'est que c'est sacrément dur, le crâne, tu sais ? En tout cas, elle nous a bien servi, ta scie. Tiens, je te la ramène, et puis aussi ça, avec les remerciements de mon père. Ce sont les langues, c'est le meilleur morceau."
Il tendit quelque chose qui ressemblait à une poche de sang.
Madame D. pâlit et sortit précipitamment.
"Ca va, Gwen ?" lui demanda son mari avec sollicitude, derrière la porte des toilettes. "Je te l'avais bien dit, que tu avais pris trop de chocolat."
La photo n'est pas de moi, hélas, elle vient de là.